Gabrielle Morin présente les reportages de Gabrielle Roy qui s’inscrivent dans une mouvance de reportage féminin qualifié de plus «humain», laissant une place à l’intime. Publiés dans les années 1940 dans le Bulletin des agriculteurs, ils dressent avec sensibilité le portrait de minorités ethniques isolées. Si sa position privilégiée est parfois discernable, Roy n’essentialise pas les peuples qu’elle rencontre et ne se contente pas de réaffirmer ce qui a déjà été dit sur eux pour plaire à son lectorat. En cela, sa démarche s’inscrit dans une pratique dite «féminine» du reportage, qui porte attention au détail, à la précision et à l’émotion chez l’autre, plus particulièrement lorsqu’il est vulnérable. Comment la posture de reporter femme de Roy participe-t-elle à une légitimation des subjectivités féminines dans Les fragiles lumières de la terre, plus précisément dans «Les Huttérites», «De turbulents chercheurs de paix», «Les Mennonites» ainsi que «Les Sudètes de Goodsoil»? Sa sensibilité, loin d’affecter la méthodologie d’enquête rigoureuse de Roy, contribue plutôt à lui donner une dimension plus humaine, plus près du réel. Nous nous attarderons à son choix d’investir les espaces privés et domestiques, qui lui permet non seulement de représenter des femmes aux réalités négligées, mais aussi (et surtout !) de les revaloriser par le biais de l’écriture.
Captation: Charlotte Biron
Montage: Charlotte Biron